Le Trail des Citadelles est le deuxième Ultra dont je prends le départ.
Je sais que pour espérer finir, il faut être costaud physiquement et mentalement.
Le physique :
A l'inverse de la préparation du GRP 2009, je n'ai pas échafaudé un plan d'entrainement hyper ambitieux et structuré sur de multiples semaines.
Tout d'abord parce que je n'avais quasiment fait aucune des séances prévues sur le plan GRP et ensuite parce que j'avais frolé le surentrainement, ce qui avait favorisé mon entorse de début Aout, et avait failli entrainer mon forfait.
Je m'en suis donc tenu à mes 3 séances hebdomadaires, avec participations à quelques courses et double sortie certains week ends.
Résultat : le plaisir avant tout et jamais l'impression d'être "obligé" d'aller au charbon, et des loisirs pas seulement axés sur la CAP.
Conséquence :avec une telle préparation, l'objectif ne peut être "que" de terminer, sans aucune autre ambition chronométrique.
Le mental :
J'ai découvert le Trail en tant que spectateur un dimanche de Paques 2006, alors que mon frère Michel participait au Mini Trail d'alors ( 14 km ).En 2007, je l'encourageais pendant sa tentative sur le 71 km, et le voyais abandonner sur blessure à Montferrier.
Mais c'était trop tard, j'avais attrapé le virus du trail et me mettais à courir pendant l'été 2007 dans le but de participer au 20 km de l'édition 2008, alors que Michel en reprenait l'organisation.
En 2009, je me lançais sur le 40 km, couvrant pour la 1ere fois une telle distance.
En 2010, enchainement logique, je suis donc au départ du 73...
Lavelanet - 04 avril 2010 - 6h du matin
Alors que les 3 derniers jours je stressais à mort,je me trouve étonnament serein à l'heure de prendre le départ.
Après le briefing et la "dédicace" de Michel, je prends un départ tranquille en milieu de peloton.
On court à 10 km/h, le corps montant doucement en température.
Le peloton s'étire doucement, et c'est naturellemnt , presque sans forcer que l'on arrive sur les Crêtes de Madoual. Je suis parti avec les batons en main, leur utilité étant évidente dans les premières portions boueuses.
On passe à proximité de Montségur, mais cette année je bifurque à gauche vers Bélesta, et c'est comme si je réalisais à peine que çà y est, cette année, je fais la "course des grands".
Grâce à ma dernière reco, je connais bien ce secteur et je déroule tranquillement jusqu'à Bélesta.
A l'entrée du village, j'ai la surprise de voir Estelle et Maël .
Bélesta - km18 - 8h19 - ( 2h19 de course / 40' d'avance sur la barrière horaire )
Ma soeur me pointe à l'entrée du 1er ravito , tandis que ma mère est au service.
Je passe dix bonnes minutes au chaud, sans stress. Je m'alimente, recharge le camel.
Les kikous Benos et Auvermarc, ainsi que Béatrice Fabre ( organisatrice du Trail de Queribus ) en profite pour me dépasser.
Je rattrape Benos juste avant ma"résidence secondaire" de Barjac, à l'endroit ou le balisage est personnalisé !
On s'éleve ensuite vers Millet, je gère mon effort.
On enchaine de beaux passages dans les bois.
Je rattrape et double Béatrice au niveau du Gélat, elle me dit être parti un peu vite.
Je rejoins Marc avec qui je resterais jusqu'à Fougax.
De Couquet, on aperçoit le pog de Montségur qui parait encore bien loin...
Dans la descente vers Fontestorbes, Marc produit quelques figures libres.
Dans la partie roulante entre Fontestorbes et Fougax,on commence à serrer les dents et çà devient dur de relancer même sur le plat.
Fougax - km33 - 10 h49 - (4h49 de course,1h10 d'avance sur la barrière horaire )
Au ravito, j'ai la surprise de retrouver Estelle. J'en profite pour enfiler un tee shirt sec + le coupe vent. Je garde le maillot long dans le sac au cas ou..
J'ai une grosse faim et passe donc un moment au ravito à avaler soupe, saucisson, tucs, fromage, coca.
Je repars du ravito regonflé à bloc, prêt à en découdre avec Montségur.
Cette partie sera une des plus "dures", la boue étant vraiment collante par endroit et une douleur tendineuse derrière le genou droit faisant son apparition.
Je pense à Michel et à son abandon de 2007, je pense aussi à mon GRP et à mon calvaire à cause de cette même douleur.
Les giboulées nous offrent une animation supplémentaire, l'alternance de soleil et d'averses de grésil obligeant à enchainer habillages et déshabillages..
Montségur est en vue. Je serre les dents pour grimper jusqu'au chateau. Dans la montée je croise Benos, Marc et Béatrice qui me dit aller mieux.Benos, fidèle à lui-même me lance un " Ben, qu'est ce que tu fous ?! ".
Je bats le record de temps de visite du chateau et entame la descente.
En cours de descente, la douleur disparait et c'est donc de nouveau confiant que j'arrive au prochain ravito.
Montferrier - km 48 - 14h04 - ( 8h04 de course - 56' d'avance sur la barrière horaire )
Estelle est de nouveau là avec Maël, je me restaure rapidement et refais le plein du camel.
Je ne me rends certainement pas compte à quel point il est précieux de voir ainsi ces proches, de passer ces quelques minutes en leur compagnie...
Marc est aussi là et s'étonne que je l'ai rattrapé alors que j'ai l'impression d'être descendu cool.
J'ai en tête que l'année dernière mes ennuis avaient commencé après ce ravito et je ne tarde donc pas à repartir.
Entre Montferrier et Silence
Passage sous le pont de Silence, les jambes commencent à manifester leur ressentiment et à rechigner à trottiner. une nouvelle douleur tendineuse apparait derrière le genou droit, ce coup-ci côté extérieur.
En route vers Roquefixade, un regard vers Montségur au loin derrière.
Arrivée en vue du chateau de Roquefixade, après une traversée du village désert. Personne pour partager ma route depuis Silence, pas un membre de l'organisation depuis la sortie du Bois de Mondini ( et jusqu'au ravito de Roquefort ), une impression de solitude et de lassitude m'envahit peu à peu .
Je décide que je sortirai le mp3 au ravito de Roquefort pour me motiver à finir et me concentrer sur autre chose que la douleur.
Juste après le village , une concurrente me rejoint alors qu'il se remet à pleuvoir.
Arrivés à l'embranchement du sentier du chateau, elle m'interpelle, disant que c'est pas possible , qu'il ne faut pas "remonter" au chateau !
Je la précède, insiste en lui montrant les rubalises omniprésentes mais elle hésite encore.
Cette montée est un calvaire, en plein vent glacial mais arrivés en haut on a droit à la plus belle vue du jour.
Dans la partie suivante, je servirais de guide grâce à mon GPS et à ma connaissance du terrain, afin d'indiquer aux concurrents autour de moi la distance et le temps restants avant la prochaine barrière...Et les concurrents me serviront en partie de "lièvre" pour relancer un minimum.
Roquefort - km 63 -16h57 - ( 10h57 de course - 33' d'avance sur la barrière horaire )
Au ravito, je retrouve Marc et la bonne humeur des bénévoles, évacuant le stress engendré par ce début de contre la montre.
Je fais un pit stop rapide et nous décidons avec Marc d'aller au bout ensemble, ce qui nous semble alors tout à fait réalisable...
J'ai de plus en plus de mal à trottiner sur le plat mais Marc me motive et nous alternons la marche avec des petites longueurs courues.
Dans les parties pentues, c'est à moi de motiver Marc en lui indiquant le menu de ce qui nous reste à parcourir.
17h42, j'appelle Estelle, elle me dit être à Raissac.Je lui dit qu'on y sera dans une vingtaine de minutes.
Mais les minutes passent à une vitesse folle sur ma montre alors que le compteur kilometrique du GPS ne s'affolent pas , lui.
Une fois passé Pereille d'en Bas, une ultime petite côte nous sépare de Raissac.
Il est 18h, il nous reste 500 m de descente sur route pour atteindre la barrière .En 2009, il aurait été trop tard, cette année,l'organisation à rajouter une demi heure qui n'est pas un luxe pour nous...
Barrière de Raissac- km 68 - 18h10 - (12h10 de course - 20' d'avance sur la barrière horaire )
Estelle,Thomas et Mélanie partagent notre joie. Ca y est, on sait maintenant que l'on va finir ce trail,c'est un gros poids qui s'envole.
En même temps , je ressens une certaine culpabilité trouble, pensant à ceux que l'on a cotoyé plus tôt et qui resteront bloqués ici à deux pas de l'arrivée.
Un peu comme si on embarquait dans des canots de sauvetage,et qu'une fois pleins , on soit obligés de laisser les suivants sombrer avec le navire...
Marc ne cessera d'ailleurs de répéter "cette barrière est trop cruelle", ressentant alors la même chose que moi.
Mais il nous faut avancer encore, gravir ce mur de Raissac et parcourir cette crête finale toujours aussi interminable.
La fin est un calvaire pour moi, je ne peux plier la jambe gauche sans souffrir le martyr, mais je serre les dents et j'avance.
Les derniers lacets sont terribles, on s'accroche aux arbres, beaucoup tombent lourdement, le dernier toboggan ne fait rire que les spectateurs mais la ligne d'arrivée est là,toute proche.
Michel est là, il nous prend en photo, me donne une tape sur l'épaule qui vaut tous les discours du monde.
Marc lui dit que la barrière de Raissac est trop cruelle...
Quelques marches, quelques mètres, quelques larmes contenues et c'est l'arrivée.
Nous sommes finishers du Trail des Citadelles, nous l'avons fait.
13h27 dans la boue pour pouvoir dire "je l'ai fait" ?
Ou, moins évident, pour se sentir autre, se dire que quand on est capable de réaliser ce genre d'"exploit", de subir et d'encaisser les contraintes de cette épreuve, il y a certaines futilités qui ne méritent plus de nous gacher le quotidien, certains efforts dérisoires qui ne devraient plus nous paraitre insurmontables, bref qu'il faudrait arrêter de se noyer dans un verre d'eau quand on est capable de patauger aussi longtemps dans la boue ! ;-)
Merci de m'avoir lu jusqu'au bout, et laissez moi un commentaire , çà fait toujours plaisir ! :-)